La dématérialisation remodèle la gestion des professions libérales, posant un défi majeur pour les structures traditionnelles. ANAFAGC, forte de ses 47 ans d’expérience, allie innovation et accompagnement personnalisé afin de redéfinir le rôle des cabinets.
Informations Entreprise : Pouvez-vous nous expliquer en quoi l’évolution de la numérisation et la mise en place de la facture électronique transforment les pratiques au sein des professions réglementées ?
Philippe Atton (Directeur du service Expertise-comptable ANAFAGC) : Le développement de la numérisation est un phénomène incontournable. L’introduction de la facture électronique a parallèlement accéléré la donne.
Au sein d’ANAFAGC, nous sommes profondément engagés dans cette transformation et collaborons étroitement avec le Conseil National des barreaux (CNB). Notre objectif est de devenir des acteurs clés dans l’implémentation de la facture électronique pour les avocats. Cette profession requiert une attention particulière en raison du secret professionnel qu’elle est tenue de respecter. Ceci est un défi majeur nécessitant la conciliation de techniques de facturation modernes et confidentialité des informations.
Nous sommes donc au coeur de cette problématique, d’autant plus que la majorité de nos clients sont des avocats. Nous les accompagnons dans l’établissement et la gestion des factures électroniques tout en travaillant sur des solutions permettant à terme de préserver la confidentialité des données. Les médecins, exempts de TVA et donc moins concernés par la fraude fiscale, partagent également le besoin de confidentialité, bien que dans un contexte différent. La facture électronique est avant tout une réponse gouvernementale visant à réduire la fraude à la TVA, ce qui reste d’une actualité brûlante pour les professions soumises à cette taxe, comme celle des avocats.
I.E : Comment ANAFAGC s’assure-t-elle que les nouvelles régulations sur la facturation électronique respectent la confidentialité des clients dans le secteur juridique, notamment en relation avec les exigences de Bercy et le RGPD ?
Cyrille Grandjean (Directeur général ANAFAGC): Nous sommes actuellement en phase de sélection d’entreprises aptes à fournir des solutions de facturation électronique, tout en sachant que ces dernières doivent obtenir une accréditation de Bercy pour intervenir comme éditeurs de factures électroniques.
Nous avons déjà évalué plusieurs éditeurs de logiciels et envisageons de collaborer avec le Conseil National des Barreaux (CNB), le barreau de Paris et l’ensemble des barreaux de province. Notre but est de nous assurer que les solutions proposées répondent aux exigences de la profession et qu’elles soient également reconnues par Bercy. De plus, nous accompagnons le CNB pour que Bercy prenne en compte certaines contraintes de la profession d’avocat, en particulier afin de respecter la confidentialité des missions qui leur sont confiées. En effet, il est essentiel que les noms des clients ne figurent pas sur les factures pour préserver leur confidentialité, surtout lors du traitement par les plateformes de dématérialisation et leur communication vers le portail public de facturation. Concernant le RGPD, nous suivons scrupuleusement les règles pour assurer notre conformité.
I.E : Pourriez-vous décrire comment ANAFAGC a évolué au fil des années afin de soutenir les cabinets d’avocats dans leur gestion administrative et fiscale ?
Cyrille Grandjean : Notre association, fondée il y a 47 ans par et pour des avocats, se consacre à répondre aux divers besoins de gestion administrative des cabinets juridiques, depuis leur création jusqu’à la cessation de leurs activités. Au fil des ans, nous avons su évoluer pour accompagner les cabinets d’avocats dans toutes les étapes de leur cycle de vie. Nous avons été pionniers dans plusieurs initiatives, comme notamment la procédure de transfert de données fiscales et comptables (TDFC) et la mise en place technique de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) adaptée aux professions libérales. Notre implication ne s’est pas arrêtée là ; nous avons également travaillé avec la DGFIP pour mettre en place le visa fiscal, qui a été la clef pour permettre la
non-majoration des résultats fiscaux des cabinets jusqu’en 2022. Ce rôle actif dans l’évolution des pratiques comptables et fiscales témoigne de notre engagement continu envers la profession.
I.E : Quelles sont les principales difficultés rencontrées dans l’adoption du système d’échange de données dématérialisé par vos clients ?
Philippe Atton : Beaucoup de nos clients, majoritairement avocats par définition procéduriers, préfèrent encore conserver les documents au format papier. Nous nous employons donc à convaincre chacun d’eux des avantages de la dématérialisation, qui simplifie grandement les tâches comptables et sécurise les échanges. Cette transition n’est pas uniformément acceptée, surtout par nos clients les plus âgés, qui semblent montrer une certaine résistance au changement, parfois par simple habitude plutôt que par réelle nécessité.
Dans cette démarche de dématérialisation, nous avons mis à leur disposition dès 2019 une ’box’, coffre-fort numérique sécurisé accessible depuis leur espace client en ligne sur notre site anafagc.fr. Leur adhésion n’est pas encore totale. Certains clients continuent de privilégier les supports papier, ce qui nécessite un travail manuel de notre part et engendre un coût supplémentaire pour eux.
Cette réticence s’explique également par le temps requis pour s’adapter et maîtriser ces nouveaux outils.
Malgré ces défis, les avantages de conserver les documents numériquement sont indéniables, tant en termes de disponibilité immédiate que de réduction des coûts et des déplacements nécessaires pour l’envoi physique des documents.
I.E : Comment abordez-vous l’avenir ?
Philippe Atton : La dématérialisation redessine profondément le métier d’expert-comptable, qui voit la tenue comptable traditionnelle se réduire. Désormais, notre mission évolue vers un rôle de conseiller stratégique auprès des chefs d’entreprise. Nous ne nous limitons plus au conseil fiscal et social ; nous embrassons une vision plus large de la gestion d’entreprise. Cette nouvelle
pratique est cruciale pour notre survie professionnelle : il ne s’agit plus de passer du temps sur la comptabilité de routine, mais de se concentrer sur la délivrance de conseils personnalisés et pointus.
Nos clients bénéficieront de cette approche et percevront ainsi d’avantage la valeur des conseils que nous sommes en mesure de leur apporter. Pour répondre à ces nouvelles attentes, nous formons régulièrement nos collaborateurs. Ils ne sont plus de simples opérateurs de saisie, mais des partenaires proactifs capables d’initier des réflexions stratégiques chez nos clients, souvent trop absorbés par leur quotidien pour envisager des alternatives de gestion de leur activité. Nous nous engageons également dans le développement de solutions digitales intégrant l’intelligence artificielle pour offrir une comptabilité et des indicateurs de gestion presque instantanés, permettant un pilotage plus dynamique des entreprises.
Cette nouvelle approche permet de valoriser davantage les retro bowl conseils que nous offrons à nos clients, les aidant à envisager des alternatives de gestion de leur activité.