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Négocier son départ à la retraite comme un stratège


Peu le réalisent, mais le départ à la retraite est une étape clé de négociation. Un bon accord peut significativement améliorer les conditions de sortie et compenser efficacement la baisse de revenus. Pour l’entreprise, une transition bien gérée permet d’assurer la transmission des compétences et de mieux anticiper la gestion des effectifs. Spécialiste du sujet, Bertrand Reynaud accompagne les cadres dans l’optimisation de leur sortie. Explications.


Informations Entreprise : Pourquoi la négociation du départ à la retraite estelle devenue un enjeu majeur pour les cadres supérieurs et dirigeants ?


Bertrand Reynaud (Dirigeant du cabinet Bertrand Reynaud Conseil et Négocier son départ à la Retraite) : Pour les cadres supérieurs et dirigeants, le taux de remplacement (rapport entre la pension de retraite et la dernière rémunération) oscille entre 30 et 50 %. Cette chute brutale de revenus pose un véritable défi financier. Or, les conditions de départ influencent directement le niveau de vie à la retraite. La négociation est, dans presque tous les cas, un outil pour optimiser cette transition.


I.E : cette négociation porte-t-elle sur la pension de retraite et/ou le départ de l’entreprise?


Bertrand Reynaud : Une confusion est fréquente entre la rupture du contrat de travail et la liquidation de la retraite. Ces deux étapes sont distinctes, mais leur articulation est essentielle pour déterminer la date optimale de départ. Le jour de la liquidation des pensions de retraite, le contrat de travail doit nécessairement être rompu.


La négociation porte avant tout sur les conditions de séparation avec l’employeur. Un bon accord peut compléter les futures pensions nettes de retraite, avec un gain estimé entre 4 et 20 % selon les cas que j’ai accompagnés. Ces effets se prolongent sur toute la durée de vie.


I.E : Quelles sont les principales manières de partir à la retraite ?


Bertrand Reynaud : Lors des webinars que j’anime sur le thème du départ à la retraite, je constate régulièrement que la plupart des participants n’ont aucune idée des différentes choix qui s’offrent à eux pour quitter leur entreprise. Pour l’essentiel, il s’agit de :


• La retraite progressive : réduction d’activité tout en percevant une partie de sa pension. Formule désormais ouverte aux cadres en forfait jours.

• Le départ volontaire : rapide mais très faiblement indemnisé.

• La mise à la retraite par l’employeur : possible dès 67 ans avec accord du salarié, elle peut être imposée à partir de70 ans. L’indemnisation peut être élevée.

• L’accord transactionnel : souvent la meilleure option, quand le contexte le justifie.

• Le cumul emploi – retraite : une fois le cadre à la retraite, possibilité de compléter ses revenus.


Une négociation bien menée peut multiplier dans un rapport de 1 jusqu’à parfois 20 les conditions de la séparation. Et quand certaines indemnités correspondent à de la rémunération, d’autres bénéficient d’exonérations sociales et fiscales.


I.E : Quelles sont les étapes d’une négociation de cette nature ?


Bertrand Reynaud : d’abord il convient de comprendre le paysage de la négociation. Pour cela, dans un premier temps, je réalise l’audit sortie d’entreprise. En fonction de la situation du cadre, il explique les modes de rupture et les modalités d’accord possibles, leurs implications fiscales et sociales. Il simule diverses hypothèses de négociation.


Ensuite, il convient de définir une stratégie adaptée à chaque cas particulier à partir de la question sensible que la négociation doit permettre de résoudre positivement (mise à l’écart du cadre, réorganisation, désaccord sur la stratégie, problème de mobilité, etc…). Chaque entretien de négociation doit faire l’objet d’une préparation soutenue.


Enfin, une fois l’accord formé, il est important de le sécuriser juridiquement et de s’assurer de l’exactitude du solde de tout compte, souvent erroné.


I.E : Comment se mesure une négociation réussie ?


Bertrand Reynaud : Elle tient d’abord compte des besoins de l’entreprise. L’accord peut ainsi prévoir les conditions harmonieuses de transition pour l’entreprise, la transmission des compétences et des dossiers, la finalisation de chantiers importants, etc.


Pour le cadre, la réussite de la négociation se traduit bien sûr par des conditions favorables de départ, reconnaissant la valeur qu’il a apportée, mais aussi un climat serein de séparation. Un cadre m’a récemment remercié chaleureusement pour mon accompagnement en soulignant moins l’indemnisation élevée que nous avions obtenue que les conditions de son pot de départ. Ce dernier s’était en effet déroulé à l’étage de la Direction et avec un discours du Président ! Le pot de départ : un critère de réussite…


I.E : Pourquoi les entreprises françaises ont-elles autant de mal à gérer la fin de carrière de leurs cadres et dirigeants ?


Bertrand Reynaud : Pour les entreprises, la gestion des fins de carrière des cadres supérieurs et dirigeants reste un vrai défi. Malgré les injonctions de dirigeants politiques et les discours des entreprises, beaucoup d’entre elles ne savent pas bien gérer leurs seniors (cf la comparaison du taux d’emploi des seniors en France avec celui dans certains pays du Nord de l’Europe).


Le rapport Bellon-Mérieux-Soussan sur les salariés dits « expérimentés » (on ne dit plus seniors), publié pendant la crise du Covid, soulignait justement ces « fins de carrière problématiques et ces ruptures parfois brutales ». La réalité est parfois plus crue que cette formulation policée, quand certains cadres de plus de 60 ans s’entendent dire et répéter (c’est un cas réel) qu’ils sont “trop vieux, trop chers, trop lents”.


La négociation du départ d’un cadre peut ainsi être une opportunité pour l’entreprise. Outre qu’un bon accord élimine le risque de la dérive conflictuelle d’une situation tendue, il permet de rajeunir la pyramide des âges, d’adapter l’organisation, de piloter au mieux les départs et la masse salariale et, parfois, de réaliser des économies substantielles.


I.E : Vous avez également un livre en préparation.


Bertrand Reynaud : En effet. Co-écrit avec Aude Goulon, une ancienne DRH devenue consultante RH auprès des entreprises, et Bruno Serizay, un avocat réputé spécialisé en droit social, ce livre a pour vocation d’apporter une vision claire et pratique sur la conduite réussie de la négociation de sortie avant la retraite. Il traitera également des principes essentiels de la liquidation de la retraite. Il est ainsi une réponse au besoin d’information des cadres supérieurs et des dirigeants pour préparer au mieux la transition vers la retraite.


I.E : Comment percevez-vous l’avenir de votre marché ?


Bertrand Reynaud : Le marché de l’accompagnement des négociations de séparation professionnelle, en particulier dans le contexte du départ en retraite, est une niche porteuse. En effet, le cadre dans lequel s’inscrit une telle négociation est particulièrement complexe, ce qui peut être une source de valeur dans la négociation.


De plus, négocier sa propre sortie avec une entreprise que l’on a servie fidèlement pendant des années est un exercice toujours délicat. C’est un moment charnière qui demande recul et expertise.


Pour ce qui concerne les cadres en instance de départ à la retraite, les taux de remplacement vont mécaniquement continuer à baisser. En France, le système de retraite est sous pression et la résistance aux réformes nécessaires ne fait qu’aggraver la situation.


Dans un contexte où le cadre législatif et économique évolue rapidement, anticiper sa transition vers la retraite devient une nécessité. Bien négocier son départ, c’est assurer une sortie valorisée et préserver son pouvoir d’achat pour les années à venir. Une préparation rigoureuse est la clé d’un départ réussi.


 
 
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