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Faire de la conformité un avantage concurrentiel durable

Le respect des réglementations en vigueur peut engendrer pour les acteurs financiers une complexification des processus, la détérioration de l’expérience client, la réduction de certaines activités et sources de revenus, l’alourdissement des coûts de structures, la nécessité de réaliser des investissements humains, matériels et financiers ou encore inciter à réduire sa couverture géographique. Respecter ces contraintes représente déjà un défi au quotidien pour nombre d’acteurs, alors serait-ce possible de transformer ces contraintes en opportunités stratégiques, de les utiliser comme un levier stratégique de différenciation et pourquoi pas comme levier pour se réinventer ? Rencontre avec Camille Baudouin, Fondatrice de Baudouin Advisory.


Informations Entreprise : Comment transformer les obligations réglementaires en leviers stratégiques pour renforcer la confiance des clients et des partenaires financiers ?


Camille Baudouin : Depuis la crise de 2007- 2008, l’inflation réglementaire a changé les règles du jeu. Il est désormais essentiel d’intégrer la réglementation dans sa stratégie globale et d’adopter une vision stratégique de la conformité. Se mettre en conformité est l’occasion d’optimiser ses processus. Ces projets révèlent souvent des inefficacités et permettent des améliorations significatives. Ils peuvent aussi favoriser l’innovation, par exemple en développant de nouveaux services financiers.


Bien que les projets informatiques liés à la conformité soient coûteux et longs, ils améliorent la qualité des données, un atout stratégique pour les acteurs financiers.

Une approche globale de la conformité, plutôt qu’une gestion en silo, permet d’exploiter des synergies entre réglementations.


Comme expliqué dans mon ouvrage « Stratégie bancaire et réglementation – de la contrainte à l’opportunité » (Dunod, 2019), trois approches structurantes permettent d’en tirer avantage : par la structure de coût, la chaîne de valeur et l’expérience client. Aller au-delà de simples opportunités tactiques et mener une démarche proactive face aux exigences réglementaires peut générer un avantage concurrentiel durable. Démontrer que l’on maîtrise et valorise la réglementation renforce la confiance des clients et des partenaires.


I.E : Quels outils et technologies peuvent optimiser la gestion de la conformité et simplifier le suivi des évolutions réglementaires ?


Camille Baudouin : Les outils (solutions du marché, internes, RegTech) sont devenus indispensables pour assurer la conformité. Au-delà d'un certain volume de réglementations, d'activités, d'implantations ou de transactions, certaines tâches ne peuvent plus être réalisées manuellement.


Dès l'entrée en relation d'affaires, les outils peuvent se révéler indispensables d'une part pour détecter aisément l'éligibilité des clients à certaines réglementations (MiFID, FATCA, Dodd-Frank, EMIR...), et d'autre part pour collecter toutes les informations et documents de conformité et notamment ceux relatifs à la connaissance des clients (KYC) dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux (LCB-FT).


Les organismes financiers doivent également avant l'entrée en relation d'affaires et tout au long de celle-ci filtrer leurs clients au regard des listes de sanction et de gel des avoirs, identifier parmi eux les personnes politiquement exposées, de la presse négative, ce qui est difficilement faisable manuellement.


De plus, des outils spécifiques pour surveiller les opérations suspectes en matière de LCB-FT ou d'abus de marché (manipulation de cours, opération d'initié), et pouvant intégrer de l'intelligence artificielle, sont nécessaires pour la grande majorité des organismes financiers.


Par ailleurs, le recours aux outils de reporting (MiFID, Dodd-Frank, MMSR, SFTR...) à destination des régulateurs s'avèrent également indispensable.


I.E : Comment intégrer le management des risques dans la stratégie globale de l'organisme pour anticiper et minimiser les impacts financiers


Camille Baudouin: Le risque de non-conformité peut entraîner des amendes lourdes, la perte d'un agrément et nuire à la réputation qui peut conduire à la perte de clients et de partenaires financiers. Il est donc essentiel de bien intégrer le management des risques non-conformité dans sa stratégie.


Tout d'abord, la gestion du risque de non-conformité doit se faire dès la phase projet de mise en conformité, qui définit les processus et les outils à mettre en place. D'une part un dispositif de conformité mal défini, mal mis œuvre (processus, outils...) ne sera pas opérationnel et sera source de non-conformité. Et s'agissant du paramétrage des outils (e.g. scénarii de surveillance des opérations suspectes, filtrage des bases clients...), il est indispensable de le tester et si besoin de l'affiner.


D'autre part il est primordial de définir les plans de contrôle afférents à chaque dispositif de conformité des cette phase de mise en conformité et non après, afin de s'assurer que toutes les exigences réglementaires sont couvertes par des contrôles.


La mise en place d'un dispositif de maîtrise des risques (DMR) ne doit pas être un simple exercice style (permettant de répondre favorablement à l'exigence de contrôle interne) mais doit permettre de véritablement piloter les risques de non-conformité, dans leur globalité et non réglementation par réglementation. Cela passe d'abord par un référentiel de risques de non-conformité exhaustif et cohérent d'une part et par une méthodologie commune d'évaluation des risques (risque inhérent, mesures d'atténuation du risque, risque résiduel) d'autre part. Un DMR efficace doit faire ressortir les zones de risques de non-conformité afin de mettre en œuvre le cas échéant les actions correctrices nécessaires.


I.E : Quelles compétences clés sont nécessaires pour bâtir des équipes performantes capables de relever les défis liés à la réglementation?


Camille Baudouin : Au sein de la conformité, l'idéal serait une équipe pluridisciplinaire avec à la fois une maîtrise technique de la réglementation, une connaissance métier ainsi qu'une appétence pour les systèmes d'informations et les nouvelles technologies.


Des qualités comme la rigueur, la curiosité et aimer résoudre des casse-têtes semblent également de bons atouts. La conformité c'est souvent faire rentrer des carrés dans des triangles.


I.E: Comment évaluer les opportunités commerciales ou concurrentielles offertes par une conformité exemplaire dans un marché de plus en plus exigeant?


Camille Baudouin : Beaucoup de réglementations (LCB-FT, MiFID, EMIR, Dodd-Frank, FATCA...) requièrent de collecter des informations du client : cela contribue à une meilleure connaissance du client et permet ainsi de proposer des produits ou services davantage adaptés au client. Attention toutefois, certaines informations, notamment en lien avec la LCB-FT, ne peuvent être utilisées directement à des fins commerciales.


En matière d'opportunité concurrentielle, si l'on prend l'exemple du reporting EMIR, réussir à avoir une bonne qualité des données peut être un facteur de différenciation : certains organismes financiers peuvent décider de contractualiser de préférence avec des clearing brokers / Swap Dealers dont la qualité du reporting EMIR est davantage qualitative.


S'il est difficile d'être en conformité à 100 % avec toutes les réglementations, certains organismes se démarquent par leur exemplarité. Il serait donc dommage de ne pas valoriser les efforts déployés.


Les acteurs financiers devraient capitaliser sur leur haut degré de conformité pour en faire un levier de différenciation et un argument concurrentiel. Cela permettrait enfin ! de dégager un retour sur investissement sur des coûts de conformité souvent conséquents.

Afficher une conformité exemplaire pourrait d'une part rassurer les clients et renforcer l'image d'un organisme vertueux et éthique (ce qui est un atout majeur dans un contexte où la RSE prend de l'ampleur) et d'autre part renforcer la confiance des partenaires.


I.E : Quels mécanismes de gouvernance peuvent être mis en place pour harmoniser conformité, innovation et croissance durable ?


Camille Baudouin: Comme toute entreprise, un organisme financier doit innover pour rester compétitif. Evoluant sur un marché international très concurrentiel, il doit sans cesse se différencier à travers de nouveaux services, une meilleure réponse aux besoins clients ou une approche innovante de la réglementation.


Conjuguer conformité et innovation permet d'améliorer la conformité elle-même, d'optimiser les processus, d'enrichir l'expérience client et d'affiner la gestion des coûts et des données. La conformité ne doit pas être une contrainte, mais un levier d'innovation durable.


Une meilleure collaboration entre les départements (FO, MO, BO, Juridique, Opéra-tions, Risques, IT...) est essentielle pour casser les silos et favoriser l'innovation au sein de l'organisation.


Enfin il est essentiel de poursuivre l'acculturation de tous les collaborateurs à la conformité.

Pas de croissance sans conformité ni innovation.








 
 
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