L'expérience client : puissant levier de croissance
- Charlotte Combet
- 30 avr.
- 6 min de lecture
Les Maisons de luxe ne se contentent plus d’offrir des produits d’exception, elles orchestrent des expériences immersives où chaque interaction devient un levier de fidélisation. Comment conjuguer personnalisation, excellence relationnelle et performance commerciale dans un marché en pleine mutation ? Oktave, spécialiste de l’optimisation de l’expérience client combinée à l’amélioration de la performance commerciale accompagne les plus grandes maisons en mêlant approche terrain et pragmatisme.
Information Entreprise : Comment les maisons de luxe repensent-elles l’expérience client pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs ?
Matthieu Mielet (Associé d’OKTAVE) : L’expérience client joue un rôle de plus en plus déterminant dans le chiffre d’affaires des maisons de luxe, mais aujourd’hui, l’enjeu principal, c’est l’élévation. Il ne s’agit plus de seulement de satisfaire le client, mais de rendre son expérience encore plus personnalisée, plus exclusive, et plus émotionnelle.
Cette montée en gamme ou premiumisation s’accélère et s’inscrit dans une dynamique plus large du secteur, où les marques cherchent à soutenir leur dynamique de croissance, notamment en affinant leur stratégie de valorisation des prix.
Le point de vente, ou le point de contact devient alors un véritable point d’expérience, bien au-delà d’un simple espace de transaction. Il se transforme en un lieu de vie, d’enchantement, où l’on découvre de nouvelles offres, des services inédits, voire des expériences immersives.
C’est ce que nous observons avec les maisons qui investissent dans l’art de vivre, à l’image de Louis Vuitton et ses cafés. La boutique se transforme alors en un sanctuaire où l’ADN de la marque prend corps et s’exprime pleinement, la boutique devient un espace sacré où la promesse de la marque prend vie.
Frederik Schreve (Fondateur et PDG d’OKTAVE) : Dans le luxe, l’expérience client repose sur deux piliers : la « mécanique » et « l’humanique ». La mécanique, c’est tout ce qui est tangible ; l’architecture des magasins, le merchandising, les catégories de produits, les assortiments, l’organisation, les process. L’humanique, c’est tout ce qui a trait à la dimension humaine, c’est-à-dire l’interaction avec le client, l’engagement émotionnel, l’art de partager des histoires, la création de relations authentique et pérennes.
Chez Oktave, nous nous concentrons exclusivement sur cette dimension humaine, car elle est un levier majeur de performance.
Un client qui se sent authentiquement engagé est prêt à dépenser en moyenne 46 % de plus qu’un client simplement satisfait. Cela montre l’impact considérable du facteur humain sur la performance commerciale d’une marque, car il est indépendant du trafic en magasin ou en point de vente (restaurant, hôtel, etc.). Dans une boutique de luxe, le vendeur ne se contente pas de vendre un produit : il orchestre une expérience immersive et émotionnelle, créant un lien unique avec le client.
Ce qui différencie le luxe du mass market, c’est justement cette prééminence de l’humain. Dans l’hôtellerie de prestige par exemple, un secteur avec lequel nous travaillons très régulièrement, on observe un ratio personnel/client beaucoup plus élevé que dans l’hôtellerie standard. Cette logique s’applique aussi au retail. L’humain n’est pas une variable d’ajustement, c’est un élément stratégique au même titre que le concept magasin ou les catégories de produits. C’est là que réside la vraie valeur du luxe.
I.E : Quels sont les défis actuels des marques de luxe pour maintenir l’engagement client en magasin ?
Matthieu Mielet : La fidélisation des équipes, et plus particulièrement des talents est un défi majeur. Comme dans l’hôtellerie, les métiers du retail ont été fortement impactés post-Covid, et attirer ou retenir les meilleurs profils est devenu un enjeu clé. Un manager engagé est un manager qui saura engager ses vendeurs, un vendeur engagé est un vendeur qui saura engager ses clients.
Ensuite, l’expérience client doit être constamment magnifiée. Comme expliqué précédemment, le luxe s’inscrit dans une dynamique d’élévation, avec des attentes toujours plus fortes en matière de personnalisation, de relations et d’émotions. Les marques sont prêtes à investir pour rendre chaque interaction unique et mémorable.
Enfin, un changement stratégique s’opère : les marques accélèrent leur transformation de dépendance au trafic à une culture de clienteling. Autrement dit, elles ne comptent plus uniquement sur le flux de visiteurs, mais misent de plus en plus sur la fidélisation et l’optimisation des relations clients pour compenser la baisse de fréquentation des magasins. Cela implique une approche plus fine, plus proactive et plus immersive, où
chaque client doit être considéré comme un ambassadeur à long terme plutôt qu’un simple acheteur ponctuel. Et c’est là qu’interviennent la compréhension de la psychologie clients, la finesse commerciale et l’agilité managériale. Les Maisons qui investissent sur ces thématiques auprès de leurs équipes l’ont bien compris : le retour sur investissement en termes de parts de marché, de performance business et de loyauté de leurs collaborateurs sont impressionnants.
I.E : Comment les marques de luxe passent-elles d’une logique de recrutement client à une approche centrée sur la valeur à long terme ?
Frederik Schreve : Les marques de luxe évoluent d’une stratégie de recrutement clients massif vers une approche axée sur la Client Lifetime Value (CLTV). Pendant des années, l’objectif était d’attirer un maximum de nouveaux clients, notamment en Asie. Aujourd’hui, l’enjeu est toujours de prendre des parts de marché, mais également de maximiser la valeur
de chaque client sur cinq, dix ans. Cela implique une relation plus intimiste et durable.
Les vendeurs doivent aller au-delà de la transaction immédiate et adopter une posture relationnelle. Il ne s’agit plus seulement de vendre un sac, mais de bâtir une fidélité qui se traduira par des visites en magasin et achats répétés. L’engagement client devient un levier commercial aussi important que la conversion instantanée.
I.E : Quel est l’impact du digital sur l’expérience client en magasin et le rôle des vendeurs dans l’univers du luxe ?
Frederik Schreve : Le digital est devenu un levier clé dans l’élévation de l’expérience client, notamment grâce à l’omnicanalité. Aujourd’hui, un client veut pouvoir naviguer librement entre l’online et l’offline : débuter un achat en ligne, finaliser en boutique, ou l’inverse. Les marques se sont adaptées à cette exigence en intégrant des outils digitaux qui permettent aux vendeurs de prolonger l’expérience bien au-delà du magasin.
Le vendeur, lui aussi, devient omnicanal. Il doit être capable d’interagir à distance via des canaux comme WhatsApp, WeChat ou le live streaming, tout en maintenant les standards d’excellence du luxe. Pour cela, il est désormais équipé de data client, ce qui lui permet une personnalisation inédite des interactions et une meilleure anticipation des besoins. Cependant, l’afflux massif d’outils digitaux post-Covid a souvent désorienté les équipes.
Chez Oktave, nous avons développé une approche ultra-pragmatique : au-delà des concepts, nous mettons à disposition des équipes de vente et des managers des leviers efficaces et opérationnels avec des actions concrètes immédiatement applicables. Notre force réside dans notre capacité à accompagner les marques de l’élaboration de stratégies à la mise en œuvre en point de vente, sur 25 marchés et en 12 langues, avec des experts qui ajustent les concepts en fonction des cultures locales. Ce qui nous distingue, c’est notre capacité à transformer l’expérience client en performance commerciale tangible.
I.E : Comment Oktave adapte-t-il son approche face à la prémiumisation dans différents secteurs ?
Frederik Schreve : La prémiumisation est une tendance globale qui touche non seulement les marques de luxe, mais aussi l’hospitalité de prestige et les entreprises de services comme les banques et la santé privée. Ces organisations placent de plus en plus l’expérience client au cœur de leur stratégie et cherchent à élever leur niveau d’engagement.
Chez Oktave, historiquement nous avons toujours travaillé avec les sièges des grandes maisons pour ensuite déployer et mettre en oeuvre leurs stratégies et programmes de formation / coaching aux quatre coins du monde. Face aux besoins croissants en régions, nous avons ouvert une filiale au Moyen-Orient et avons renforcé de manière significative nos équipes sur le marché américain, désormais prioritaire pour les marques de luxe.
Par ailleurs, nous constatons une forte demande en B2B. Des secteurs comme les vins et spiritueux ou l’automobile, qui opèrent traditionnellement en B2B ou par des distributeurs, cherchent à affiner leur relation avec le consommateur final en s’inspirant des codes et du luxe et des clefs du B2C. En formant et accompagnant leurs équipes commerciales avec cette approche, ils créent un véritable avantage concurrentiel auprès des acheteurs. Cette expansion vers les services et le B2B représente un axe stratégique clé pour nous dans les années à venir.
