Les collectivités, poussées par des enjeux toujours plus nombreux et complexes (énergie, environnement, mobilité, sécurité…) cherchent à devenir plus durables et plus résilientes. Contraintes par des ressources financières, humaines et énergétiques toujours plus dures, les territoires doivent trouver de nouvelles sources d’économies et d’efficacités, notamment à travers l’exploitation de leurs données. Dans ce contexte, Eridanis, dirigée par Alexis Semmama, se positionne comme un acteur clé, accompagnant les territoires tant sur leur stratégie numérique, que sur la mise en œuvre de solutions concrètes, basées sur l’exploitation de données et permettant économies financières et énergétiques et amélioration de l’efficacité des services.
Informations Entreprise : Quels sont les principaux défis que doivent affronter les collectivités aujourd’hui ?
Alexis Semmama (Directeur Général d’Eridanis) : Dans le contexte actuel, où les concepts de territoires intelligents, connectés et résilients émergent avec vigueur, il est impératif de souligner l’importance capitale de l’engagement politique.
Ces notions, bien que progressivement reconnues par les acteurs des villes, métropoles, et même au sein du gouvernement, se heurtent encore à une certaine réticence. Cette dernière, motivée par des considérations de coût, d’éthique ou perçue comme une tendance éphémère, freine l’avancée vers l’adoption de technologies au service du bien commun.
Au-delà, les enjeux opérationnels, tels que les défis énergétiques, prennent une place prépondérante, notamment dans les contextes de sécheresse de plus en plus fréquents. Sans négliger d’autres aspects vitaux comme la sécurité et la mobilité, l’urgence environnementale et financière commande une réorientation des priorités vers la gestion énergétique, tout en préservant les attributs essentiels qui font l’identité et l’attractivité d’un territoire.
I.E : Comment l’analyse de données peut-elle transformer la gestion et l’optimisation des territoires ?
Alexis Semmama : La puissance de l’analyse de données réside dans sa capacité indéniable à objectiver l’information et à refléter fidèlement la réalité des territoires. Lorsque nous nous penchons sur les données, elles nous offrent des chiffres et des indicateurs qui ne trompent pas. Que ce soit pour mesurer une variation de consommation énergétique, évaluer une prospective foncière, ou optimiser la logistique, les données éliminent toute subjectivité, nous confrontant directement aux faits.
Cette approche objective est le point de départ de notre travail : la visualisation précise de l’état actuel des choses. Dès lors, nous entamons la phase de compréhension, où nous déchiffrons les raisons sous-jacentes aux situations observées, qu’elles soient positives ou négatives. Cette compréhension nous équipe pour reproduire les succès ou contrer les échecs ailleurs. Finalement, l’action suit : l’utilisation des données pour initier des interventions concrètes, qu’elles concernent l’infrastructure ou les opérations sur le territoire.
Prenons l’exemple de la gestion du trafic : une analyse fine permet de détecter les zones de fluidité ou de congestion, nous orientant vers des solutions adaptées, telles que l’ajustement des plans de signalisation ou la régulation du trafic. L’analyse de données se révèle également cruciale pour l’action en temps réel, permettant une réactivité immédiate face aux événements sur le terrain, qu’il s’agisse de gérer la consommation énergétique d’un bâtiment ou de répondre à un incident routier.
Cette démarche systématique d’observation, de compréhension et d’action guide notre mission chez Eridanis, même si de nombreux territoires peinent encore à adopter cette approche essentielle.
I.E : Où réside votre singularité ?
Alexis Semmama : Eridanis s’est d’emblée consacrée à la conception de solutions sur mesure pour les collectivités, une vocation qui n’est pas une simple extension de nos activités mais l’essence même de notre plateforme.
Développée en étroite collaboration avec les territoires, elle répond aux défis fondamentaux des collectivités tels que la désilotisation des services et des systèmes d’information. La force de notre plateforme réside dans sa capacité à se connecter à n’importe quelle source de données : logiciel existant, objet connecté, fichiers sur serveur, base de données… Une fois ces données collectées, elles sont systématiquement standardisées puis intégrées au sein des datalakes de la plateforme. Cette flexibilité facilite la création d’applications spécifiques à chaque besoin, sans imposer de lourdes charges liées au remplacement des systèmes en place ou à la formation.
Ce qui distingue Eridanis, c’est notre approche du sur-mesure, garantissant une adaptabilité parfaite à chaque situation. Notre modèle économique innovant permet aux villes, notamment les plus modestes, d’accéder à la transformation numérique sans les contraintes financières habituelles, grâce à un système de co-financement communautaire. Ce modèle réduit considérablement les coûts pour les collectivités, leur permettant de bénéficier de technologies avancées tout en partageant les dépenses avec d’autres villes dans un esprit de solidarité et d’efficacité partagée.
I.E : Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de projets réussis où les solutions d’ERIDANIS ont eu un impact significatif sur la gestion et l’amélioration des territoires ?
Alexis Semmama : L’une des initiatives les plus intéressantes à souligner aujourd’hui est le projet RECITAL, distingué par le DIAT dans le cadre du PIA 4 en 2022, qui a octroyé à Noisy-le-Grand un financement gouvernemental pour sa transformation numérique axée principalement sur la rénovation énergétique des bâtiments.
Cette collaboration, débutée en 2019, a abouti à la mise en œuvre d’une feuille de route numérique et à l’implémentation de la plateforme Eridanis, favorisant une gestion optimisée des données pour divers services.
Le projet Récital, mené en partenariat avec le Groupe EDF et Efficacity, a pour objectif d’exploiter les données collectées au sein de la plateforme Eridanis avec l’intelligence artificielle afin de planifier un scenario optimal de rénovation thermique des bâtiments dans le cadre du décret tertiaire. En analysant et optimisant les différentes actions à mener par la Ville, le projet a pour objective de diviser par 5 les investissements financiers à faire pour atteindre l’objectif de -50% de consommation énergétique.
I.E : Comment ERIDANIS se prépare-t-elle à répondre aux défis futurs des territoires intelligents et durables, notamment en termes de technologie et de réglementations ?
Alexis Semmama : Deux axes majeurs structurent notre vision à venir : la gestion de l’eau et le développement de l’intelligence artificielle spécifique aux besoins des collectivités territoriales.
La gestion de l’eau représente un enjeu critique, porteur de défis considérables, que nous abordons avec détermination. Notre engagement envers une gestion efficiente et opérationnelle de cette ressource essentielle s’inscrit dans une démarche de résultats concrets, loin de toute visée publicitaire. Ce sujet, au cœur de nos préoccupations, a été souligné lors de récents échanges avec des départements et grandes collectivités, ainsi qu’à l’occasion de forums dédiés au numérique responsable.
Par ailleurs, nous sommes en phase de développement d’une intelligence artificielle générative, dédiée à optimiser la prise de décision au sein des collectivités. Cette innovation permettra aux élus, directeurs, et agents d’accéder instantanément à des tableaux de bord sur mesure, facilitant ainsi la gestion des services avec une précision et une objectivité accrues. Cette avancée représente un potentiel de transformation significatif en termes d’efficacité et de réduction des coûts. Nous anticipons son déploiement imminent, après une phase de bêta test prometteuse auprès de nos partenaires actuels.
I.E : Avez-vous un dernier message à passer ?
Alexis Semmama : Notre dépendance actuelle vis-à-vis des géants technologiques américains, notamment les entreprises du GAFAM comme Google, Microsoft, et Amazon, est un fait établi et irréversible. Toutefois, cette réalité ne devrait pas nous conduire à une résignation. Au contraire, il est essentiel de valoriser et de promouvoir des alternatives souveraines, notamment les solutions technologiques françaises, exemptes de toute participation étrangère à leur capital.
Cette question de souveraineté numérique, souvent reléguée au second plan, revêt une importance capitale. Nous menons actuellement des discussions avec des responsables politiques à tous les niveaux pour accélérer cette prise de conscience. Notre conviction est que les entreprises françaises peuvent fournir aux collectivités locales des solutions de qualité équivalente, voire supérieure, à celles des géants du secteur, sans compromis sur la performance. Cette ambition est particulièrement pertinente dans le domaine de l’intelligence artificielle, où la provenance et le contrôle des technologies sont cruciaux. L’enjeu n’est pas seulement technique ou économique ; il touche à l’intérêt national, notamment lorsque l’on considère la recommandation et la décision automatisées par les IA. Il est vital de garantir que ces technologies agissent dans l’intérêt de la France et de ses citoyens, et non selon des agendas extérieurs.