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L'intelligence médicale sans filtre

L’intelligence artificielle promet de transformer la médecine, mais peine encore à dépasser le stade des outils de productivité pour devenir un véritable partenaire diagnostique. Manque de modèles économiques viables, faible intégration dans les pratiques cliniques, défi de l’adhésion des soignants : les obstacles sont nombreux. Fondée sur une double expertise technologique et médicale, la start-up française GeodAIsics entend combler ce fossé. Avec ses IA génératives personnalisées, conçues main dans la main avec des praticiens, elle propose des dispositifs médicaux de nouvelle génération, plus accessibles, plus explicables, particulièrement fiables car basés sur des études cliniques publiées. Rencontre avec son dirigeant.


Informations Entreprise : Quelles sont les principales barrières à l’adoption de l’intelligence artificielle dans le secteur de la santé ?


Dr Arnaud Attyé (DG de GeodAIsics) : Le premier frein est sans aucun doute le modèle économique. Aujourd’hui, les solutions qui s’imposent sur le marché, notamment en imagerie médicale, sont celles qui améliorent la productivité des praticiens. Elles répondent à une logique claire : si un centre de santé ou un praticien gagne du temps, il est prêt à payer pour cet outil.


En revanche, les solutions que nous développons, orientées vers un meilleur diagnostic ou une prise en charge plus fine et surtout plus précoce des patients, peinent à trouver leur place. Il n’existe pas de modèle de financement homogène : entre la Sécurité sociale, les établissements et les patients, la chaîne de valeur est morcelée. A cela s’ajoute le sous-investissement chronique dans l’innovation en France et en Europe. Enfin le dernier frein que nous ressentons est l’intégration technique qui reste un enjeu pouvant être surmontée dès lors que la valeur médicale perçue est forte.


L’IA générative suscite beaucoup d’attentes. En quoi se différencie-t-elle concrètement des IA traditionnelles dans les usages médicaux ?


Il y a une confusion persistante autour de l’IA générative. Beaucoup d’acteurs, même dans le monde de la santé, l’associent uniquement à la génération de texte via des modèles comme ChatGPT.


Or, le champ est bien plus vaste. Chez GeodAIsics, nous utilisons l’IA générative pour traiter des données cliniques, paracliniques, quantitatives, qualitatives.


L’enjeu principal, ce n’est pas de produire du texte, mais de personnaliser la médecine à une échelle inédite. Grâce à des technologies de jumeaux numériques, nous créons pour chaque patient un référentiel synthétique individualisé, ce qui permet de détecter plus tôt certaines pathologies et d’adapter les traitements au cas par cas. Là où la médecine classique s’appuie sur des moyennes et des consensus, l’IA générative nous permet de dépasser cette approche pour répondre aux spécificités de chaque patient avec une médecine personnalisée. C’est une révolution silencieuse, mais profonde, dans la manière de penser et de délivrer le soin.


Chez GeodAIsics, vous avez développé une technologie propriétaire, le GML, fondée sur une IA explicable et non supervisée.


Notre cœur de marché, ce sont les industriels de la santé qui souhaitent intégrer de l’IA à leurs dispositifs médicaux, sans toujours savoir comment s’y prendre. Ce que nous leur apportons, c’est une double proposition technologique.


D’abord, notre approche non-supervisée nous permet de développer des modèles sans avoir besoin de données annotées par des experts - ce qui représente un gain de temps, de coût et de scalabilité considérable. Cela rend le déploiement de solutions IA possible en quelques mois seulement, en exploitant pleinement la richesse des données déjà disponibles et avoir la possibilité de diagnostiquer certains patients avant l’apparition de signes cliniques. Ensuite, nous mettons un point d’honneur à garantir l’explicabilité des résultats en permettant au praticien de les comparer à d’autres patients préalablement appris par nos logiciels.


Grâce à notre technologie brevetée, nous contextualisons chaque décision en comparant le patient à des profils cliniquement similaires. C’est une méthode qui parle aux médecins, car elle reprend leur logique de raisonnement. En somme, notre IA va au-delà de la performance : elle s’intègre dans la pratique clinique, de façon claire et compréhensible.


Quel rôle jouent les professionnels de santé dans votre processus de développement et dans la relation avec les industriels ?


Notre approche repose sur une collaboration étroite entre les soignants et les industriels. Les soignants ne sont pas seulement des utilisateurs finaux : ils sont au cœur de notre gouvernance, impliqués dans notre comité de direction et notre conseil d’administration car fondateurs ou investisseurs dans la société. Ce lien direct nous permet de concevoir des IA véritablement sur mesure, pensées dès le départ pour répondre à des besoins médicaux concrets.


Ensuite, ces briques technologiques sont proposées aux industriels de la santé, avec la garantie qu’elles sont alignées avec les attentes du terrain. Cela change tout : nous ne livrons pas un produit générique, mais une solution calibrée pour leur marché. Et souvent, nous connaissons les enjeux métiers aussi bien, voire mieux que nos clients, car l’IA est encore un domaine nouveau pour eux. Grâce à cette double expertise médicale et technologique, nous offrons des services hautement personnalisés, prêts à l’usage.


Pouvez-vous nous parler de votre récente levée de fonds et des dispositifs médicaux que vous allez mettre sur le marché ?


Notre levée de fonds en série A s’est construite avec deux grands réseaux de médecins libéraux indépendants : Les Biologistes Indépendants, d’un côté, et Vidi Capital, réseau national de radiologues, de l’autre. Cette configuration unique nous permet de passer d’une logique purement industrielle à une dynamique centrée sur le soin, puisque nous devenons fabricants de dispositifs médicaux qui seront distribués directement aux patients via ces réseaux.


Début 2026, nous lançons notre premier dispositif basé sur l’IA générative pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer. À partir d’une simple IRM cérébrale - examen de référence pour les troubles de la mémoire - notre IA génère une estimation équivalente à une ponction lombaire, permettant de doser les protéines liées à la maladie d’Alzheimer, sans avoir à réaliser ce geste invasif. C’est une avancée diagnostique majeure, qui pourrait révolutionner la médecine de ville avec une détection rapide et accessible partout. Nous prévoyons une distribution européenne dès 2026, et aux États-Unis en 2027.


Nous avons aussi en développement des logiciels IA pour la détection des infections nosocomiales, des septicémies et développons toute une gamme pour les autres maladies neurodégénératives et inflammatoires.


Comment percevez-vous l’évolution du marché de l’IA diagnostique face aux enjeux économiques des systèmes de santé ?

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Il existe aujourd’hui un décalage évident entre les projections de marché à 5 ou 10 ans et la réalité observable : seules les solutions d’IA dédiées à la productivité ont trouvé leur modèle économique, alors que les outils d’aide au diagnostic, comme ceux que nous développons, peinent encore à s’imposer. Ce déséquilibre est en train d’évoluer. Les études médico-économiques à venir vont démontrer que ces technologies peuvent générer des économies significatives à l’échelle des systèmes de santé sur le moyen et long terme.


Et progressivement, les acteurs publics comme les mutuelles commencent à s’y intéresser. L’enjeu est clair : le coût des innovations thérapeutiques explose, alors que les systèmes de santé n’ont plus les moyens de suivre. L’IA diagnostique peut contribuer à rétablir un équilibre en apportant partout des moyens de détecter des pathologies à un stade suffisamment précoce pour les soigner. Nous espérons qu’à l’horizon 2030, les économies générées par l’IA seront telles qu’il ne s’agira plus de savoir qui la finance, mais de constater qu’un système de santé sans IA deviendra un frein, y compris économiquement.


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