La transformation des métiers de la finance et les attentes grandissantes des talents

redéfinissent les règles du recrutement. Comment les acteurs du secteur doivent-ils s’adapter ? Rencontre avec François-Charles Berthois, fondateur du cabinet Berthois Conseils, créateur de ponts durables entre les aspirations des candidats et les besoins des organisations.
Informations Entreprise : Comment les entreprises peuvent-elles concrètement redonner du sens au travail de leurs collaborateurs ?
François-Charles Berthois (Fondateur du cabinet Berthois Conseils) : Nous sommes dans un contexte économique délicat, marqué par une stagnation, voire une légère hausse des taux de chômage après deux années de baisse continue. Avec plus de 250 plans de licenciements recensés récemment, ce sont potentiellement 200 000 emplois qui pourraient être affectés. La situation politique et macroéconomique affecte les carnets de
commande des entreprises qui optent pour une rationalisation de la masse salariale, entraînant des gels ou des décalages d’embauche. Les postes de direction, tels que les directeurs financiers, restent toutefois épargnés, car leur rôle est essentiel mais la pression sur les salaires se fait sentir.
Par ailleurs, le télétravail, initialement adopté comme une nécessité, s’est transformé en acquis social. Mais cette transition mal anticipée dans certaines structures impacte la cohésion d’équipe et l’engagement des collaborateurs. Aujourd’hui, nous faisons face à un défi d’engagement : 42 % des salariés se déclarent en souffrance, et 53 % souffrent de stress élevé, selon une étude récente. Chez Berthois Conseils, nous travaillons à recruter des profils alignés avec les valeurs des entreprises, car donner du sens au travail est la clé pour réengager les talents et contrer la baisse de productivité constatée depuis 2004.
I.E : Quels sont les défis auxquels les professionnels de la finance devront-ils faire face et comment s’y préparent-ils ?
François-Charles Berthois : Les professionnels de la finance font face aujourd’hui à deux grands défis. D’abord, les contraintes externes comme les nouvelles régulations européennes, notamment la directive CSRD avec l’introduction des notions d’ESG. Ces obligations imposent aux financiers de devenir des acteurs clés dans la transition vers une économie durable, en maîtrisant des compétences supplémentaires comme la production de rapports extra-financiers. Cela entraine une profonde mutation des métiers de la finance et nécessite une véritable adaptation des savoir-faire.
Le second défi majeur réside dans la gestion et l’exploitation des données. Avec l’explosion des volumes de données ces dernières décennies, les entreprises investissent massivement dans des outils performants pour analyser, anticiper et optimiser. Cela permet aux financiers de passer du simple reporting à une analyse des organisations approfondie pour délivrer de meilleurs recommandations stratégiques et opérationnelles. Enfin, des innovations comme la blockchain et l’intelligence artificielle générative amorcent une révolution. La blockchain, en sécurisant les transactions, simplifie le processus de contrôle et libèrera du temps pour des missions à forte valeur ajoutée comme le développement
de synergie ou la détermination de stratégies business. Mais pour tirer pleinement parti de ces outils, une montée en compétences s’impose.

I.E : Comment accompagnez-vous les candidats et les entreprises dans la création de relations professionnelles durables ?
François-Charles Berthois : Chez Berthois Conseils, nous avons développé une méthode qui repose sur la transparence et une compréhension approfondie des aspirations professionnelles des candidats. Nous ne nous limitons pas au rôle de recruteur classique ; nous nous positionnons comme des conseillers de carrière, travaillant sur des projets à long terme pour aligner les objectifs professionnels des candidats avec des environnements dans lesquels ils seront le plus épanouis et engagés.
Ce travail nécessite une investigation approfondie à deux niveaux : auprès des candidats pour identifier leurs motivations profondes et leurs drivers personnels, mais aussi auprès des entreprises partenaires pour comprendre leurs objectifs, leurs environnements et leurs besoins stratégiques. Notre expertise des métiers de la finance, nous permet d’harmoniser ces attentes et de créer des vraies adéquations entre talents et organisations.
En jouant ce rôle de tiers de confiance, nous dépassons les jeux de dupes souvent présents dans les relations directes entre candidats et employeurs. Cela nous permet d’établir des relations de qualité et d’accompagner les candidats bien au-delà de leur prochaine étape professionnelle, vers une carrière durable et alignée sur leurs valeurs et aspirations.
I.E : Comment votre méthodologie contribue-t-elle à répondre aux besoins spécifiques des entreprises ?
François-Charles Berthois : Chez Berthois Conseils, nous nous positionnons comme un cabinet de conseil en ressources humaines, avec une approche flexible et adaptée aux besoins spécifiques de nos clients. Nous proposons trois niveaux d’accompagnement pour les entreprises : le sourcing, où nous préqualifions les profils ; l’évaluation, où nous filtrons et analysons les CV reçus pour sélectionner les profils les plus pertinents ; et une offre complète qui couvre l’ensemble du processus, de l’identification des talents à leur intégration dans les organisations. Nous garantissons nos placements sur 12 mois, une durée bien supérieure aux standards du marché, témoignant de notre confiance dans la qualité de notre travail. Par ailleurs, nous accompagnons aussi les candidats dans leur recherche d’emploi. Nous proposons une masterclass bimensuelle pour leur transmettre les clés de la réussite en entretien et un programme de coaching individualisé sur quatre semaines, qui va de la définition du projet professionnel jusqu’à l’optimisation de la candidature. Notre objectif est de réduire leur durée moyenne de recherche d’emploi, de six à deux mois, en les aidant à postuler à des projets qui font sens pour eux et où ils seront plus faciles à aligner avec les attentes des employeurs.
I.E : Quels seront les défis principaux pour les directions financières et les ressources humaines ?
François-Charles Berthois : Ces dernières années, on a beaucoup évoqué l’uberisation du marché de l’emploi, avec la montée en puissance des indépendants et du management de transition. Mais je crois qu’il y a un plafond à cette dynamique. Tout le monde ne deviendra pas indépendant. Ce modèle convient à certains, mais je ne pense pas qu’en 2030 nous soyons tous freelances. Personnellement, je défends une vision qui tend vers des carrières plus longues, à l’image de celles de nos parents, où l’on restait 20 ou 25 ans dans une même entreprise. C’est là que la vraie valeur se crée, grâce à une maîtrise fine de l’organisation et des process.
À plus court terme, un enjeu majeur sera la lutte pour la gouvernance des entreprises, notamment entre directions financières et ressources humaines. Les RH gagnent du poids avec des problématiques de désengagement, de parité et de régulation. Les directions financières, historiquement bras droits des DG, devront élargir leurs compétences, notamment sur des sujets comme la RSE, les nouvelles réglementations et la technologie. Elles devront se transformer en véritables “couteaux suisses” pour maintenir leur influence.
Enfin, à l’horizon 2030, je vois un accent accru sur l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Les générations montantes et l’héritage du télétravail imposeront aux entreprises de s’adapter, non seulement pour retenir les talents, mais aussi pour repenser la relation au travail. Les salaires pourraient stagner dans la finance, mais en contrepartie, les collaborateurs bénéficieront d’une flexibilité accrue et d’un meilleur équilibre.