Piloter l'énergie comme un actif stratégique

La transition énergétique n’attend plus : entreprises et collectivités doivent réduire leur empreinte carbone tout en maîtrisant une facture énergétique toujours plus volatile. Mais entre injonctions réglementaires, montée en puissance de l’IA et besoin d’agilité opérationnelle, le défi est de taille. Datanumia, spécialiste de la valorisation de la donnée énergétique et filiale du groupe EDF, accompagne cette transformation avec une conviction forte : c’est en alliant intelligence des données, solutions digitales et expertise humaine que les acteurs pourront réellement passer à l’action.

Informations Entreprise : Comment les fluctuations récentes des prix de l’énergie influencent-elles l’adoption des solutions de pilotage énergétique dans les secteurs industriel et tertiaire ?

Thierry Brot (Président-Directeur Général de Datanumia) : Nous sortons d’une période marquée par une crise énergétique majeure, avec une envolée des prix qui a agi comme un déclencheur fort pour adopter des solutions de pilotage et d’optimisation de la consommation. Depuis un an et demi, cette dynamique s’atténue : les prix forward baissent, rendant les arbitrages économiques plus difficiles, notamment pour les acteurs industriels et tertiaires.

Il faut rappeler que si la conscience environnementale progresse, c’est bien le signal prix qui déclenche souvent le passage à l’action. Malgré cette accalmie apparente, j’insiste sur un point essentiel : la volatilité du marché de l’énergie reste structurellement plus forte à la hausse qu’à la baisse. C’est cette incertitude - et non une baisse durable - que nous devons intégrer dans nos scénarios. Pour nos clients fortement consommateurs, ne pas anticiper cette variabilité serait une erreur stratégique.

Quel rôle joue aujourd’hui le cadre réglementaire dans la transformation énergétique des acteurs du tertiaire ?

Au-delà du signal prix, la pression réglementaire joue un rôle déterminant, notamment pour les acteurs du tertiaire. On observe aujourd’hui une accumulation de textes réglementaires, avec le décret tertiaire, le décret BACS et récemment la loi DDADUE. Ces textes, complexes à interpréter, créent une obligation d’action, mais restent difficiles à traduire concrètement sur le terrain.

Notre rôle, chez Datanumia, est d’accompagner nos clients dans la compréhension de ces exigences et surtout dans leur mise en oeuvre sur le long terme. Il ne suffit pas de répondre ponctuellement à une déclaration réglementaire comme celle à effectuer sur la plateforme OPERAT dans le cadre du décret tertiaire ; il faut inscrire ces démarches dans une trajectoire de performance continue pour assurer sa conformité. C’est pour cela que nous combinons des outils numériques de pilotage énergétique, de l’IoT et un accompagnement humain sur-mesure avec nos Energy Managers. Notre ambition est claire : transformer la contrainte réglementaire en levier de transformation et d’efficacité énergétique.

Les solutions de pilotage énergétique sont-elles aujourd’hui accessibles et adaptées à toutes les tailles d’entreprise, en particulier les PME ?

Historiquement, les grandes entreprises ont été les premières à adopter des solutions de management énergétique. Aujourd’hui, le taux de pénétration est élevé sur ce segment, mais il reste un vrai potentiel à explorer du côté des petites et moyennes entreprises. Notre enjeu est double : d’une part, démocratiser l’accès à ces outils numériques dans des structures moins outillées, et d’autre part, garantir leur appropriation dans la durée.

Cela suppose des solutions adaptées à des profils variés. Par exemple, un expert énergie sur un site industriel n’aura pas les mêmes attentes qu’un acheteur centré sur la maîtrise budgétaire dans une foncière immobilière.

Chez Datanumia, nous concevons nos solutions pour qu’elles répondent aux besoins de chaque typologie d’utilisateur. Cette personnalisation est indispensable pour pérenniser l’usage des outils, et donc maximiser leur impact.

Comment combinez-vous outils digitaux et accompagnement humain pour générer un véritable impact énergétique sur le terrain ?

Nous croyons fermement que la digitalisation de la performance énergétique va s’intensifier, notamment grâce à l’IA et à une valorisation accrue des données. Mais pour nous, le numérique seul ne suffit pas. Il doit impérativement être complété par un accompagnement humain. C’est le passage à l’action qui transforme la donnée en résultats concrets.

Je pense à l’exemple de Noisy-le-Grand, où nous accompagnons la collectivité dans la réduction des consommations de 200 bâtiments collectifs. Outre l’installation de matériel IoT pour permettre la remontée de donnée dans une plateforme d’hypervision, la clé du succès a été la formation des gardiens d’école et de gymnase. En les sensibilisant aux enjeux de performance, en les impliquant dans les actions concrètes — comme l’extinction des lumières ou la régulation thermique — nous avons créé un véritable levier d’action. Digital et humain doivent aller de pair : l’un sans l’autre ne permet pas de faire décoller la performance énergétique sur le terrain.

Comment l’intelligence artificielle vous permet-elle aujourd’hui d’enrichir l’analyse énergétique des clients et de leur apporter des repères concrets pour agir ?

L’intelligence artificielle est au coeur de notre stratégie depuis plusieurs années, bien avant l’essor récent des IA génératives comme ChatGPT. Chez Datanumia, notre priorité a toujours été de valoriser la donnée énergétique pour la restituer de façon intelligente et intelligible à nos clients.

L’un de nos investissements majeurs porte sur la désagrégation des courbes de charge : comprendre les usages précis derrière la consommation globale, puis les comparer à ceux d’acteurs similaires. Cette analyse demande une infrastructure robuste, conforme aux exigences de cybersécurité et de RGPD, mais aussi des algorithmes avancés de machine learning capables d’apprendre et de s’adapter. Ce travail permet à nos clients - qu’ils soient industriels, entreprises ou collectivités - de se situer finement par rapport à leurs pairs. C’est une clé pour leur donner des repères clairs, tangibles et actionnables, et les aider à progresser dans leur démarche de performance énergétique.

Comment l’IA générative transforme-telle concrètement votre façon d’accompagner les clients ?

L’IA générative s’intègrera prochainement à notre dispositif d’accompagnement, notamment dans la production de rapports d’energy management. Ces documents, essentiels pour piloter les trajectoires énergétiques de nos clients, sont historiquement rédigés par nos Energy Managers. Désormais, l’objectif est de valoriser ces rapports précédemment rédigés afin d’en générer de nouveaux automatiquement. Cela nous permettra de gagner en productivité avec une partie pré-remplie, tout en assurant un regard d’expert.

L’objectif est triple : fiabiliser les recommandations, identifier des gisements de performance qui auraient pu passer inaperçus, mais également faire gagner un temps crucial à nos Energy Managers. Nos clients bénéficient ainsi d’un diagnostic plus précis, plus rapide, avec des propositions claires, chiffrées et orientées ROI. Cela les aide à prioriser leurs investissements et à mieux structurer leurs plans d’action. Pour nous, l’enjeu n’est pas seulement technologique : c’est un levier pour renforcer l’impact terrain, en combinant puissance de traitement et expertise métier humaine.

Quelles grandes évolutions anticipez-vous pour votre secteur à horizon 5 ans ?

Deux évolutions majeures me semblent importantes à prendre en compte : l’intelligence artificielle qui va continuer à transformer en profondeur nos métiers et la généralisation de solutions de pilotage énergétique offertes aux clients. On a déjà évoqué l’impact de l’IA sur la façon dont nous faisons de l’energy management. Cela va évidemment se poursuivre et s’enrichir. En parallèle, l’émergence de l’IA générative nous permettra demain de personnaliser la restitution d’information vers le client en fonction du profil, qu’il s’agisse d’un acheteur, d’un exploitant ou d’un expert énergie par exemple. L’objectif est de rendre nos plateformes plus intuitives, plus conversationnelles, et donc plus efficaces.

Parallèlement, la réglementation et les attentes des clients poussent vers un pilotage actif des équipements énergétiques - au-delà du simple monitoring. Nous développons donc des outils de pilotage énergétique adaptés aux PME et collectivités, avec des routines intelligentes d’optimisation. Cette logique s’inscrit dans une trajectoire ISO 50001 et prépare nos clients à répondre aux exigences de la loi DDADUE, mais aussi des décrets BACS et tertiaire. Enfin, cette capacité de pilotage ouvre une nouvelle voie : celle de la flexibilité énergétique. Elle offre une double valeur, économique pour nos clients, mais aussi systémique pour contribuer à la stabilité du réseau électrique tout en favorisant l’électrification des usages.

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